Page:Tinayre - La Rancon.djvu/239

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bien différente du charnel amour d’autrefois, plus désintéressée, plus forte aussi. Souvent, il prenait dans ses mains la tête brune qu’il avait aimée pour sa grâce et pour sa fraîcheur : « Ma femme, disait-il, ma chère femme ! » Il prononçait ce mot avec une tendresse qui touchait Jacqueline jusqu’aux pleurs. « Ma bien-aimée !… Je commence seulement à savoir ce que tu vaux. Les soins matériels sont peu de chose. C’est ta vigilance, ta tendresse qui m’ont guéri. Oh ! je sens la douceur de vivre près de toi. Il me semble que je te retrouve après un long voyage. Dis, nous serons plus intimes qu’autrefois ? Nous nous disperserons moins. Nous vivrons cœur à cœur. J’avais une adorable maîtresse légitime — il souriait à ce nom — je découvre en elle une compagne, une amie… »

Il parlait ainsi, longuement, et la ferveur de sa reconnaissance poignait l’âme de la malheureuse Jacqueline. Elle songeait que ce rôle d’amie et de collaboratrice qu’elle avait accepté dans la vie de Chartrain, elle l’eût peut-être dû remplir auprès de Vallier… En se rapprochant courageusement de son mari, elle eût pris sur lui une influence modificatrice, et leur amour, voué à la transformation, se fût transformé du moins en sereine et