Page:Tinayre - La Rancon.djvu/24

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de déception et cette petite lassitude inavouée qui, depuis quelque temps, la rendait si lente à jouir des choses ?

Le soir tombait, le soir voluptueux de Paris, qui sent encore la chaleur et la poussière, et qui bleuit autour des lampes électriques, allumées tout à coup et palpitantes sous le vert cru des marronniers. Étienne et Paul causaient en fumant. Jacqueline se taisait, et quand Vallier parla de quitter la place, elle n’entendit pas… Elle regardait Chartrain.

Ce regard hésitant, ce regard qui flotte et qui se fixe, qui se détourne et qui revient, ce regard invinciblement attiré, invinciblement retenu, Étienne le connaissait trop pour ne pas le reconnaître. Il l’avait vu dans les yeux des jeunes filles assises auprès de leur mère, égarant sur l’inconnu qui passe et qui plaît leur ignorante rêverie ; dans les yeux hardis de filles avilies par la gaieté grossière des réunions de plaisir et que touchait l’émotion d’un caprice, éclair de sincérité, mirage de la vraie tendresse. Il l’avait retrouvé dans les chastes, les calmes prunelles de femmes honorées pour leur vertu et qui, rassurées par l’illusion d’une amitié toute spirituelle, arrêtaient sur sa tête de jeune