Page:Tinayre - La Rancon.djvu/242

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baiser les chères lèvres de Jacqueline. Trois ans, déjà, quatre ans d’amour. Pourquoi, par cette nuit d’octobre, sous le ciel voilé, sous les arbres effeuillés, une mélancolie sortait-elle de toutes ces choses finies, mortes comme les feuilles d’où montait une froide odeur de cimetière ? « Le passé, le passé ! » murmura Chartrain… Deux mois auparavant, il confondait encore dans un éternel présent toutes les saisons de leur amour. Hélas ! il lui semblait que la maladie de Vallier, les tortures morales, l’absence et la privation séparaient le passé plein de bonheur d’un avenir gros de mystère. Sa pensée errait dans ses souvenirs comme dans un jardin d’automne où les fruits mûrissent à peine sur des arbres qui ne verront pas deux fois les mêmes fleurs.

Tout à coup, il devina Jacqueline. Vêtue de noir, voilée d’une noire mantille, elle incarnait, dans la tristesse de son vêtement et de son attitude, l’infinie tristesse de l’heure et de la saison. Il lui tendit les bras. Puis il fit quelques pas avec elle, débordant de multiples émotions.

— Pardonnez-moi d’avoir demandé, presque exigé ce rendez-vous, dit-il enfin… Mais vivre deux mois sans vous voir, sans vous parler, c’était intolérable.

— Il faut pourtant vous résigner, répondit-elle