Page:Tinayre - La Rancon.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces grossièretés ! Je m’en suis amusée les premiers temps de mon mariage, par curiosité d’enfant… Maintenant, j’en suis dégoûtée pour toujours.

— Que voulez-vous faire ? dit-il… Je voudrais vous égayer un peu… Vous voilà toute mélancolique, vous qui jasiez comme un oiseau.

— Eh bien, dit-elle en se levant, promenons-nous sous les arbres, bien sagement. Les lumières et le tintamarre m’excèdent.

« Ah ! que n’est-elle toujours ainsi ! » pensa Étienne.

Ils sortirent du restaurant et remontèrent l’avenue. Sur les grandes voies qui rayonnent du rond-point de l’Étoile au bord du fleuve, la nuit était plus dense, le silence plus égal, la fraîcheur plus exquise. Étienne et Jacqueline ralentirent le pas. Elle avait parlé tour à tour d’un livre qu’elle venait de lire, des espiègleries de son fils, de l’étude que Chartrain écrivait sur le Lied en Allemagne. Ils avaient convenu de repasser ensemble la série des Amours du poète épris tous deux d’un même culte pour Heine et Schumann… Pourquoi ne trouvaient-ils plus rien à se dire ?… C’était leur premier tête-à-tête, depuis des années, et cette solitude imprévue