Page:Tinayre - La Rancon.djvu/268

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rage, des nuits entières, en songeant que tu étais dans les bras de ton mari… Je me méprise d’avoir supporté cela… Mais pouvais-je t’enlever ? Aurais-tu voulu me suivre ?… Et pourtant, tu m’aimais, tu m’aimais !

— Tu penses donc que je ne t’aime plus ?

Il s’emportait.

— Si tu te méprises, si tu me méprises, quitte-moi. Je ne veux pas être aimé par pitié.

— Ah ! sanglota Jacqueline, que tu nous fais mal à tous deux en parlant ainsi… Depuis deux mois, je vis dans un enfer… Je te le dis à mon tour : « Tais-toi, épargne-moi ! »

— Non, dit-il fermement. Je veux connaître toute ta pensée.

— Est-ce que je la connais moi-même ? dit-elle avec désespoir. C’est le chaos, dans mon âme ! Ah ! pourquoi ne suis-je pas restée puérile et folle comme autrefois ? Je vivais dans le présent, dans l’ivresse et le vertige, et je n’avais conscience que de mon amour… Mais tu as voulu faire de moi une autre femme. Hélas ! tu y as réussi… Il fallait m’étourdir ou me dépraver si tu me voulais toujours souriante et joyeuse. La nuit où je t’ai appelé près de Paul mourant, l’évidence m’est apparue. J’ai compris ma faute… J’ai désiré mourir.