Page:Tinayre - La Rancon.djvu/292

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qu’il distinguait à peine, l’entoura soudain de ses bras.

— Tu pleures !… Oh ! quoi que je doive souffrir, je ne puis supporter ta souffrance. Je t’aime encore. Oublie, si tu peux oublier.

— Non, dit-il, non, c’est impossible… Je te chéris, je te désire, mais il y a trop de choses entre nous… Nous ne pouvons plus oublier… et je ne le veux plus. Notre amour sombrerait dans des scènes affreuses… Un jour, l’instinct, plus sincère que ta volonté même, te soulèverait d’horreur à mon approche. Je ne resterais ton amant qu’en devenant ton bourreau…

Elle sentit qu’il disait vrai et que ces paroles répondaient à toutes les pensées qui l’obsédaient sans qu’elle osât jamais les dire… Mais dans la femme, l’amante protesta :

— Que veux-tu faire ?… Renoncer à moi ?… Le pourrais-tu, malheureux ? Et moi, accepterais-je de te savoir plus seul, plus désespéré, plus misérable que le jour où tu pleurais ta mère et où mon amour t’a consolé ? Je te l’ai dit, je ne puis me reprendre. Si je souffre, qu’importe ? N’y pensons pas ! Jouis du pauvre bonheur que je puis te donner. Je ne veux pas du repos, ni de la vertu que j’achèterais en t’abandonnant… Ah ! vivre sans toi !…