Page:Tinayre - La Rancon.djvu/40

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Le temps coulait. Les étoiles déclinaient dans le ciel sans lune. Les cloches égrenaient les heures du côté de la rue Lhomond, sur les bâtiments noirs des couvents et des collèges. Étienne demeurait à sa fenêtre, incapable de s’affranchir des suggestions de la nuit, de la mélancolie des souvenirs. Son front cherchait la fraîcheur de la pierre. Il était étrangement attendri, amolli, les nerfs vibrants… Il revécut la soirée précédente… Quoi, parce qu’une femme lui avait parlé d’un ton de confidence, parce qu’elle s’était appuyée à son bras, parce qu’il avait senti une chevelure parfumée, une joue en fleur, près de sa bouche, il restait ébranlé, prêt aux larmes inexplicables de la tendresse et du désir ?

— Je ne veux plus y penser… Je suis absurde… Allons dormir…

L’idée du sommeil évoqua soudain Jacqueline endormie avec ses cheveux bruns tressés en natte, sa joue moite, sa ronde épaule découverte, cette épaule charmante entrevue un soir de bal. Quelle folie de penser à cela ! Elle était une amie — elle était la femme de Paul !… Ah ! le rêveur incorrigible !


« Demain, je la reverrai, pensa-t-il, une joie subtile emplissant son âme. Le petit salon sera