Page:Tinayre - La Rancon.djvu/39

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bon à l’homme d’être seul. Resté jeune de cœur, capable de sensations fraîches, il ne voyait pas sans inquiétude venir les premières rides et les premiers cheveux gris. Allait-il donc vieillir sans avoir connu l’amour dans sa plénitude ? Mais il pressentait qu’à son âge la passion n’est plus clémente, que le dernier amour est le plus tenace, le plus redoutable de tous, comme ce démon de midi dont parle l’Église, et l’inconnue appelée dans ses rêves lui faisait peur au réveil.

Cette hantise le poursuivait surtout au soir des journées plus tristes ou plus gaies que de coutume, lorsque, tout débordant d’émotions confuses, il restait seul avec ses peines et ses plaisirs. Un besoin de confidence l’oppressait. Il rêvait à ces mots consolants que trouvent les femmes aimantes, à la vie que leur présence met autour du travailleur. Il n’est point de belle solitude où ne voltige pas leur baiser. Quel homme s’est affranchi d’elles ? Elles donnent aux enfants le lait de vie, aux jeunes gens l’éclair de l’amour, aux malades l’ingénieuse assistance, aux artistes la vision de la beauté. Elles sont debout sur leur route, du berceau au lit de mort. Et l’humanité, dans toutes ses langues, les a nommées des noms les plus doux : mère, fille, sœur, amie, amante.