Page:Tinayre - La Rancon.djvu/65

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Mais il n’osa pas lui dire combien de nuits il avait passées à l’évoquer, à la gronder, à la chérir dans cette même petite chambre.

Ils revinrent dans le cabinet de travail, et Jacqueline aperçut les roses sur la cheminée et sur la table, le thé, les gâteaux, un flacon de vin d’Espagne. Elle comprit, à ces menus détails, qu’on l’avait attendue et désirée. Assis sur le divan, près d’elle, Étienne ne se lassait pas de l’admirer, si fine, si fraîche, avec son teint de brune blanche et ses yeux verts comme la mer sous un beau ciel occidental.

— Alors, dit-elle en souriant, vous n’êtes pas fâché que je sois venue ? Vous m’avez répondu si brusquement, hier soir.

— Pardonnez-moi, dit-il. Je vais vous ouvrir, humblement, le fond noir de mon âme… Depuis quelques mois, j’étais très fâché contre vous.

— Pourquoi ?

— Je me croyais oublié…

— Ingrat ! dit-elle. Je suis venue bien souvent… Oui, je suis allée jusqu’à votre porte en me disant : « Je monterai. » Je n’ai jamais osé. Pourquoi ? Je ne sais pas. Et à Royan, j’avais tellement envie de vous écrire…

— Oh ! dit-il, pourquoi avez-vous hésité ? Ne