Page:Tinayre - La Rancon.djvu/74

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aspirer. Elle subissait les fatalités de son éducation : en cultivant son intelligence, on l’avait désintéressée des soins du ménage, en flattant la grâce de son corps, on l’avait dégoûtée des rudes fonctions qui fatiguent et défigurent.

Cependant, à défaut de convictions précises, il y avait encore en elle une loyale admiration pour les caractères supérieurs, une bonne volonté qui réclamait seulement un guide.

Ce guide, la société, la nature le lui montraient dans son mari. Mais elle le savait, avec des qualités et des vertus, aussi impuissant, aussi indécis, aussi flottant qu’elle-même. Et si elle était venue à lui, demandant un appui, un secours moral, une lumière, il l’eût traitée de « petite romanesque » et de « petite Bovary ». Jacqueline, l’accès passé, eût fini par rire et revenir au facile optimisme qu’elle affectait.

Ce guide rêvé, elle avait cru le trouver, elle l’avait trouvé dans la personne d’Étienne. Et voilà que depuis un mois un trouble croissant la paralysait. Elle n’osait retourner rue Vauquelin. Tout au fond d’elle-même, elle s’irritait de voir Chartrain si maître de lui, si ferme dans sa résolution, fraternel toujours, mais uniquement fraternel… « Ah ! pensait-elle, il ne m’aimait guère.