Page:Tinayre - La Rancon.djvu/80

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Jacqueline n’était pas de cet avis. Les confidences de Chartrain l’avaient éclairée sur le caractère de la vieille dame, aigrie par la chute de ses espérances et la mort de son fils : « On vous dira que ma mère est bien dure, avait dit Étienne, ne vous hâtez pas de la juger. C’est une femme très droite, très franche, qui a les défauts de ses vertus. Elle a déploré de bonne foi ce qu’elle appelait mes folies. Elle me croit justement puni et ne me plaint guère parce que je me suis aliéné son affection. Mais elle est logique avec elle-même. Je ne puis recommencer l’éducation de son esprit. Je m’incline et je l’accepte sans la discuter. Et puis elle est tout ce qui me reste, elle représente la famille et le passé. Son nom évoque le plus doux souvenir d’enfance heureuse. Pauvre maman ! Je la comprends trop bien pour ne pas lui pardonner ses injustices involontaires. Je l’aimerai toujours, malgré tout… »

Quand Jacqueline reçut la dépêche annonçant la mort de madame Chartrain, le souvenir des paroles d’Étienne lui revint à la mémoire. Elle sentit qu’il devait être malheureux, et elle se désola de ne pouvoir efficacement partager et adoucir sa peine. Enfermée dans sa chambre, elle écrivit une longue et naïve lettre à celui qui l’avait nom-