Page:Tinayre - La Rancon.djvu/94

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— Quelle folie ! s’écria Chartrain. La vérité, c’est que je vous aime trop…

Elle pleura, il eut peur de la perdre tout à fait, et il fut lâche. Vallier partit.

Dans les premiers jours de sa solitude, Jacqueline regretta presque de n’avoir pas retenu son mari. Toutes les qualités de Paul lui apparaissaient dans les mirages de l’absence. Elle le trouvait bon, aimable et charmant.

« Que je serais méprisable de le trahir ! pensait-elle en s’endormant toute mélancolique dans le grand lit conjugal… Décidément Étienne a raison. Nous nous verrons le moins possible… »

Ils ne se virent pas de quelques jours, mais ils s’écrivirent d’interminables lettres, et bientôt Jacqueline devina l’ennui mortel qui accablait Chartrain. Vainement, il trompait son désir de la revoir en allant fréquemment chez tous ceux qui pouvaient lui parler d’elle, Quérannes, les Lachaume, madame Mathalis. Vainement, elle lui écrivait : « Travaillez. Courage ! Je pense à vous. » Ils avaient pris l’habitude impérieuse de causer cœur à cœur, d’échanger leurs idées et leurs projets. Les lettres leur semblaient trop courtes et trop froides et Jacqueline rêva aux moyens de rencontrer son ami.