Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/100

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les simarres florentines taillées dans un velours de coton… Une belle fille, au mois d’août, risqua les sandales et le péplum. Mais la mode passait de ces mascarades. De plus en plus, les habituées de chez Mariette adoptaient la robe « tailleur », la chemisette, le petit chapeau tricorne ou canotier. Elles étaient jeunes. Quelques-unes, jolies, flirtaient avec leurs voisins de table… Elles changeaient de place, quelquefois : c’était un signe qui ne trompait personne. Deux ou trois se marièrent… D’autres s’amusèrent aux camaraderies amoureuses. Et souvent de beaux yeux pleurèrent sur les petits cahiers de notes et les manuels.

Josanne, déjeunant au hasard de ses courses professionnelles, n’allait guère chez Mariette que le soir. Elle trouvait, à sa table accoutumée, une Allemande, mademoiselle Müller, qui s’intéressait au mouvement féministe, une petite dactylographe très maigre qui ne mangeait jamais de dessert — sauf le dimanche — et dînait d’un seul plat, — le plus lourd et le plus « garni ». Il y avait encore un Russe, botaniste et socialiste, le meilleur homme du monde, qui collaborait à la Revue d’agriculture coloniale. C’étaient de braves gens, et Josanne, près d’eux, se sentait moins seule.

Ce matin du premier janvier, elle s’étonna de voir le restaurant presque vide.

— C’est étrange ! dit-elle à mademoiselle Bon ; il n’y a personne dans cette salle… Allons à côté, ce sera plus gai.

Une bonne l’entendit :

— À côté, madame, c’est la même chose…