Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/110

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Josanne pensa :

« Elle aussi !… »

M. Bonnafous ne lui paraissait plus si ridicule. Il devenait un symbole… Il dominait les femmes aux yeux ravis, aux cerveaux enfantins, aux cœurs serviles… Et Josanne, encore, se révolta… Elle dit, dans son âme : « Pas moi, non !… Moi, je ne suis pas comme les autres ». Mais sa conscience protestait : « Tu mens… » Elle était comme les autres, cette rebelle, cette affranchie. Elle s’était prise « au charme d’un regard, au son d’une voix, à des mots tendres… » Elle avait cru, elle croyait encore que c’était là le grand amour… Oui, près de Maurice, elle avait été aussi faible, aussi lâche que ces filles près de leur séducteur, garçon de magasin, bureaucrate, ou commis aux belles moustaches…

Comme ces filles, elle avait connu l’angoisse de la maternité possible, l’épouvante de la maternité certaine. Elle avait compté les jours, elle avait espéré — secrètement — la complicité de la nature pour détruire le germe insoupçonné… Plus tard, quand la nausée lui montait aux lèvres et que déjà sa ceinture opprimait son flanc douloureux, elle avait vu surgir la brute égoïste qui est dans l’homme assouvi… Elle avait été abandonnée, — comme ces filles. — et, plus misérable que ces filles, elle avait dû mentir et tromper… Ah ! de quel désir farouche, pendant le martyre de sa grossesse et jusque dans les douleurs qui créent la vie, elle avait appelé la mort !…

Et elle avait pardonné, elle n’avait pas cessé d’aimer, elle aimait encore…

Pourquoi ? comment ?… Son amour n’était pas une