Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/136

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madame Platel reste sceptique… Au bout de onze jours, la petite arrive à la Villa Bleue avec son bébé. On la félicite ; on lui donne quelque argent et on lui cherche du travail… Voilà une fille sauvée !… Ah bien, oui ! Le monsieur qui avait disparu depuis neuf mois est revenu… et la pauvre bête amoureuse est retournée à son vomissement.

— Et l’enfant ?

— Le monsieur, un étudiant en pharmacie, n’aimait pas les gosses… Il l’a dit en propres termes : « Je n’aime pas les gosses. Ça me dégoûterait d’Hélène… » Hélène, c’est « madame Neuf » Et il a déclaré : « Je n’ai pas le sou : ma famille me colle cent vingt francs par mois… Je ne peux pas m’empêtrer d’une maîtresse et d’un enfant. L’Assistance publique n’est pas faite pour les petits chiens… Au surplus, il ne s’agit pas d’un abandon, mais d’un dépôt momentané… On le reprendra plus tard, ce mioche !… » La mère pleurait. Alors, pour la consoler et la convaincre, il lui a raconté l’histoire de Jean-Jacques Rousseau.

— Et elle a cédé !

— Elle a cédé. Une de ses anciennes compagnes de la Villa Bleue a reçu ses confidences et averti madame Platel… Il était trop tard. L’intéressante Hélène et son cher amant avaient imité Thérèse et Jean-Jacques… Elle éprouvait bien quelques remords, mais elle avouait : « J’aime trop mon ami. Je l’ai dans le sang. Je ne peux aimer que lui… Il me dirait de faire un crime, je le ferais… »

Josanne, accoudée à la cheminée, un pied tendu vers le feu, répondit :

— Vous n’êtes pas découragée ?