Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/137

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— De quoi ?

— De ce métier de dupe que vous faites !… Relever la femme, éduquer la femme, affranchir la femme ! Vous croyez à l’avènement de la femme consciente, fière de sa libre maternité, heureuse de n’être plus l’idole ou la servante de l’homme ? Vous croyez que grâce à vous, grâce à nous, les « madame Neuf » deviendront plus rares ?

— Je le crois.

— Alors il faudra supprimer l’amour, mademoiselle. Peut-être affranchirez-vous la femme des entraves sociales, des préjugés qui l’empêchent de gagner son pain… Mais vous ne l’affranchirez pas d’elle-même… La femme qui a un « homme dans le sang » appartient servilement à cet homme.

La porte du bureau s’ouvrit. Un groom appela :

— Madame Valentin !… Il y a quelqu’un qui vous demande…

— Dites que je ne suis pas arrivée, qu’on m’attende. Faites entrer dans mon bureau… C’est insupportable d’être dérangée ainsi.

La porte se referma.

— Josanne ! dit mademoiselle Bon, qu’avez-vous ? Vous avez beaucoup changé depuis un mois. Vous êtes amère et triste… et vous devenez injuste !… Votre pessimisme m’étonne. Qu’y a-t-il donc ?

— Mais rien… rien… J’ai des migraines, de la fatigue nerveuse… Ah ! ne parlons pas de moi. Cela m’ennuie…

Elle se détourna, regardant le feu qui mourait. Et, après un silence, elle reprit :

— Je songe à toutes ces femmes que je vais voir,