Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/186

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Il avoua en riant :

— Oui, je l’avoue… Mais vous étiez là et tout me sembla délicieux.

— Une autre fois, vous m’avez dit : « Vraiment, vous voyagez en troisième classe ?… » Et une autre fois, vous m’avez demandé si ça ne me dégoûtait pas d’aller en omnibus…

— Ah ! permettez !… Ne me prenez pas pour un snob ! Vous vous êtes méprise…

— Comment ?

— J’ai peut-être un faible, oh ! si faible préjugé contre les omnibus, et les troisièmes classes et les petits restaurants… Mais, en vous parlant, je ne pensais pas à mes répugnances personnelles… Je pensais à vous, à vous seule… Comment exprimer toute ma pensée, sans vous froisser ?… Parce que vous êtes une femme distinguée, délicate, fine, je suis agacé… navré… de vous savoir dans un sale omnibus ou dans un wagon de troisième classe où il y a des soldats, des paysans et des nourrices avec leur nourrisson !… Et cela ne me réjouit pas non plus, vos relations avec Flory, et Foucart, et tous ces gens qui vous reçoivent plus ou moins poliment… Vous n’êtes pas intrigante, pas ambitieuse, vous serez toujours exploitée !… Vous serez vouée à une vie médiocre, malgré votre intelligence et votre énergie… C’est injuste ! C’est abominable !… Et je voudrais vous tirer de là…

— Ah ! mon ami ! je suis très touchée de votre sollicitude, mais consolez-vous : je ne me plains pas… Je suis contente de mon sort. J’ai été bien plus malheureuse… Mon pauvre mari et moi, nous avons traversé des jours terribles… La malchance, la mala-