Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/198

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parente, Noël devinait la silhouette cambrée, en robe rose, la nuque fauve, trop ondulée, de madame Moriceau. Elle disait avec un petit rire :

— Mais non, ma chère… Ce n’est pas élégant…

Veuve et coquette comme Célimène, soucieuse de se pousser dans le monde où son mariage l’avait introduite, Renée Moriceau appliquait aux choses et aux gens ce même critérium : l’élégance… Noël, depuis deux ans, avait constaté bien des fois ce snobisme spécial aux parvenus, et que Renée dissimulait naguère. Il pensa :

« Comme elle a changé !… Je l’ai connue presque simple, et gentille, et spirituelle, une bonne camarade, une maîtresse amusante… Elle avait, autrefois, moins de sécheresse et de frivolité… Oui, elle a changé !… Elle est affolée par le besoin de paraître. Elle porte des robes voyantes, elle parle de tout, au hasard, et elle « gaffe »… ! C’est dommage, vraiment… Je l’ai presque aimée… Et maintenant, elle m’agace… Est-ce sa faute ou la mienne ?… Suis-je plus clairvoyant, ou moins indulgent ?… La vérité, c’est que je ne l’aime plus… Elle le sent… Le dépit la ramène vers moi… Et, bêtement, l’ennui, la solitude, un coup de désir m’ont ramené vers elle… C’est stupide, ce que j’ai fait là !… »

Il écoutait en lui-même, la tendre, claire, fraîche modulation d’une autre voix féminine.

Renée continuait à rire. Noël, impatient de s’en aller, souleva un coin de store regarda décliner le soleil oblique dans la rue Vineuse. Il se disait :

« À sept heures tapantes, je file… »

Mais un froufrou de soie, un parfum connu, l’aver-