Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Est-ce que je vous méprise ? Est-ce que je vous condamne ?… Est-ce que je vous parle de droit ou de devoir ?… Je souffre, voilà tout !… C’est illogique, c’est stupide !… Car, enfin, j’étais préparé… Eh bien ! d’entendre ça, d’être sûr de ça… d’imaginer ça…

Elle gémit, désespérée :

— Noël ! vous ne pourrez plus m’aimer !… Mon Noël, c’est fini… Je le sens… J’ai perdu votre cœur… Et pourtant vous deviez pressentir ce qu’il y avait en moi… ce fond de tristesse… ces souvenirs… Hélas ! j’étais confiante, malgré tout, en votre justice, en votre indulgence… Je connaissais vos idées, qui ne sont pas celles des autres hommes… Je me répétais des phrases de vous, qui me rassuraient…

Elle éclata en sanglots. Noël la serra contre lui. Elle sentait le halètement de sa poitrine, les coups profonds du cœur, le tremblement des mains qui l’étreignaient. Il soupira :

— Oui… oui… on se croit très fort, très affranchi… On parle de ces choses, comme on parle de tout — du malheur, de la maladie et de la mort même ! — légèrement… Et puis, quand on découvre la réalité sous les mots, on se révolte et on souffre comme une brute…

— Ah ! Noël, je souffre plus que vous !

— Je me doutais, oui, de… ce que je sais, à présent… Mais dans le doute il y a encore un espoir… Je me payais de raisons vaines… Au fond, je pensais : « Ce n’est pas vrai !… Elle n’a pas pu… »

Soudain, il se leva, respira péniblement, comme un homme qui étouffe… Et il se mit à marcher, dans la longue pièce, allant, revenant, de la fenêtre à la