Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/275

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dit le contraire, il n’y a pas si longtemps !… Soyez de bonne foi, Noël, répondez !

— Non… je ne crois pas que je serais resté fidèle, mais…

— Vous auriez abandonné cette femme, votre compagne de plusieurs années, qui n’aurait eu au monde que vous, pour la soigner, pour lui adoucir sa vie misérable ? Vous auriez commis cette action ignoble ?… Non, non !…

— Évidemment, non… Mais je n’aurais pas menti…

— Est-ce que le médecin n’a pas le devoir de mentir au mourant ?… Qu’est-ce qu’un principe, qu’est-ce qu’un devoir abstrait, en face de cette réalité : la souffrance d’une créature humaine ?… Je n’ai pas hésité : j’ai choisi, entre deux maux, le moindre mal… Je le choisirais encore… Et vous, Noël, à ma place, vous l’auriez choisi comme moi.

— Non : la loyauté avant tout !

— Vous parlez comme un homme robuste de corps et d’esprit, orgueilleux de sa force et qui a le mépris de la faiblesse… Vous n’avez jamais connu la maladie, la solitude, la pauvreté, l’abandon. Vous n’avez jamais souffert !

— Eh bien ! je fais, en ce moment, par vous, l’apprentissage de la douleur !… Votre mari n’a pas souffert, dans toute sa vie, autant que moi depuis hier… Et je ne vous reproche pas de ne pas m’avoir épargné cette torture : j’ai cet orgueil, oui, d’être vraiment un homme, de regarder en face mon destin, quel qu’il soit… Et ce que j’attends de vous, ce que j’exige, en toutes circonstances, aujourd’hui,