Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/300

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vibration de ses nerfs, la rumeur du sang à ses tempes… Noël va venir !

Elle ne sait plus très bien pourquoi, d’un geste machinal, elle ôte le petit peigne de sa nuque… La fleur argentée de sa ceinture tinte contre le marbre de la cheminée… Mais quand Josanne s’entrevoit, dans la glace ronde, — les cheveux croulants, le cou nu, les bras nus, ses beaux seins droits presque visibles sous le petit corsage de linon aux pointes nouées comme un fichu, — elle comprend tout à coup… La chasteté héréditaire tressaille au fond d’elle ; de ses mains croisées, elle réprime le mouvement tumultueux de son cœur. Elle pense :

« Je ne suis plus à moi ! Je suis à lui… »

Et, bravement, elle dénoue les pointes du léger corsage. Avec ses cheveux noirs, sa pâleur chaude, le court jupon qui colle à ses hanches, elle paraît plus petite, plus jeune : c’est la bohémienne amoureuse des romances, c’est Mignon…

Noël frappe à la porte timidement :

— Josanne !

Elle répond, en hâte :

— Oui, Noël…

Quand il entre, elle devient pâle, pâle !…

— Mon amour, comme vous voilà tremblante !…

Elle tremble, mais, cette fois encore, elle obéit ; elle reste debout près de Noël, enlacée, soutenue par lui, et elle le regarde, jusqu’à l’âme, avec des yeux qu’il ne lui a jamais vus : des yeux sombres, caressants, résignés, d’une douceur animale, des yeux que la première parole du maître emplira de frayeur ou de volupté…