Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/41

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journal, de madame Foucart, la directrice, de mademoiselle Bon, de la petite soiriste Flory, une farceuse !… Il s’aperçut tout à coup que sa femme défaillait de lassitude et de faim.

— Mais tu n’as pas mangé, ma pauvre amie !… Va dîner, vite ! Maria t’a gardé ta part.

Josanne mangea, en cinq minutes, un reste de soupe et de ragoût, un fruit, une cuillerée de confiture. Puis elle mit un tablier sur sa robe noire, enleva le couvert, balaya les miettes tombées autour de la table… Elle accomplissait ces humbles besognes comme des devoirs ennuyeux, mais nécessaires, et qui ne l’abaissaient pas… La pauvreté, qu’elle avait connue, aimable et gaie, chez ses parents, qu’elle retrouvait, morne et terrible, dans son ménage, n’avait pas détendu les ressorts de son caractère… Josanne lui devait un accroissement d’orgueil et de volonté, la conscience de son énergie, toujours plus de patience et toujours plus de courage…

Quand la salle à manger fut en ordre, elle éteignit la lampe de la suspension, alluma une autre petite lampe, et rentra dans la chambre, où Pierre l’appelait.

— Josanne, viens-tu ?… Il est neuf heures et demie…

— Je le sais…

— Tu te couches ?

— Non : je dois travailler ce soir… J’ai la « Petite Correspondance » à finir, et la « Chronique de la Mode ».

— Laisse donc ça… Tu te lèveras demain de bonne heure.