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défaillir sous son poids. Elle y réussit, par un miracle de volonté qui l’use lentement et la tue. Elle ensoleille la vie en clair-obscur des Petits Cabinets ; elle dissipe la tristesse par une chanson ; l’humeur par une anecdote imprévue. Elle accepte les goûts du Roi au lieu de lui imposer les siens, et elle ressemble à ces gracieux virtuoses de l’acrobatie qui, suspendus sur la mort, les muscles tendus, les os disloqués, la sueur aux tempes, ne cessent jamais de sourire.

Le soir — trois ou quatre fois par semaine — on soupe dans les Petits Cabinets ou dans la jolie salle à manger de la marquise. Peu de convives — quelquefois dix-huit, bien serrés autour de la table comme à ce souper que raconte le prince de Croy : « On n’était servi que par deux ou trois valets de la garde-robe qui se retiraient après nous avoir donné ce qu’il fallait que chacun eût devant soi. La liberté et la décence m’y parurent bien observées : le Roi était gai, libre, mais toujours une grandeur qui ne le laissait pas oublier ; il ne paraissait pas du tout timide, mais fort d’habitude, parlant très bien et beaucoup, se divertissant et sachant alors se divertir. Il paraissait fort amoureux de Mme de Pompadour, sans se contraindre à