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Page:Tinayre - La femme et son secret, 1933.pdf/27

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la petite enfance

Lucile n’avait pas tout à fait quatre ans qu’elle avait choisi déjà plusieurs fiancés. Elle ne se rappelait pas toujours leurs noms, mais elle savait que ces hommes d’un grand âge, très puissants et mystérieux, l’honoraient d’une prédilection flatteuse, entre toutes les petites filles.

C’était à la campagne, un matin d’été. On attendait « des gens » qui devaient déjeuner avec la famille, circonstance intéressante, même pour la petite table, à cause de l’entremets et du dessert. Et la femme de chambre avait paré Lucile d’une robe rose, bouclé ses cheveux où brillait encore un reflet du blond adorable de la première enfance, et noué les boucles d’un ruban. Lucile jouait dans le jardin, lorsque Maman se mit à la fenêtre. Et parce que les parents sont quelquefois des personnes étourdies, voire imprudentes, qui se prêtent à des badinages un peu sots, Maman dit, sans réfléchir :

— Eh bien, chérie, tu vas voir ton fiancé.

Lucile demanda simplement :

— Lequel ?

Car elle en avait quatre ou cinq.

— C’est Monsieur N…