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l’âge de l’ingratitude

se plaisent à une dévotion exaltée. Les autres, qui sont de beaucoup les plus nombreuses, acceptent la discipline familiale, s’amusent d’un rien, montrent à leur premier bal leur gaîté de pensionnaires, et attendent le mari qui peut venir demain, agréable attente qui les flatte, les intrigue, les émeut, et doucement les mûrit. Leurs pensées ne sont que d’amour, et de mariage, leur petit cœur bat très fort sous leur guimpe, quand un jeune homme, au bal, leur prend la main ; leur vie intérieure est traversée d’aventures innocentes, — presque toujours innocentes. Et c’est l’apprentissage de l’amour qu’elles font, comme une écolière fait des gammes.

Aussi, quand ces écolières rencontrent un homme qu’elles peuvent aimer, elles lui apportent le trésor de leur cœur puéril et grave, de leur corps voilé, de leur ignorance pathétique. Mystérieuses à l’homme et à elles-mêmes, blanches figures inachevées, musique sans paroles, livres fermés, qu’elles sont femmes déjà, ces adolescentes, pour leur bonheur ou pour leur malheur !

Les temps sont changés. Notre fille de quinze ans, si elle pense au mariage, voit cet