Page:Tinayre - Madeleine au miroir.djvu/20

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une impuissance à sentir ; mais la femme qui a été tentée connaît sa force et sa faiblesse, et comprend les actes même coupables, les décisions même folles, les chutes et les douleurs des autres femmes.

L’homme qui troubla mon cœur, qui mesura, un instant, sa puissance à mon désespoir, n’a fait que traverser ma vie. Il est consolé, marié, loin de France. Je ne l’ai pas revu et ne désire pas le revoir.

Mon âme, après son passage, était comme la mer après la tempête : les grandes vagues ne se soulèvent plus, mais de longues houles, lentes à s’apaiser, palpitent d’un horizon à l’autre horizon.

Devenue veuve, je pleurai mon mari, d’un cœur sincère, et, malgré le vide qu’il laissa, et la solitude où je me trouvai, je résolus de ne pas risquer l’aventure d’un second mariage. Mes enfants, quelques amis, des livres, la musique, mes souvenirs, un peu de bien que j’essaie de faire, le plaisir de curiosité que je prends au spectacle du monde, à la comédie humaine, remplissent très suffisamment mes journées.