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Page:Tinayre - Madeleine au miroir.djvu/25

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ces bégonias sans âme, ces affreux yuccas à cloches jaunissantes, ces tristes palmiers des jardins bourgeois. Ici croissent les humbles fleurs démodées, les simplettes, les naïves, celles qui parfument le refrain des chansons de bergères, celles que tiennent les dames des tableaux anciens : le pois de senteur rouge et bleu, la sauge écarlate, le pétunia pourpre à croix blanche qui sent la vanille et le girofle, l’œillet blanc des bordures, frère immobile des papillons ; la giroflée jaune, brune et dorée comme un vieux cuir cordouan : le lis royal, qui marque le jardin aux armes de France ; les pensées, petits gnomes soucieux aux barbes de velours bleuâtre ; les pâquerettes, pensionnat de sages petites filles aux cols plissés ; les pieds-d’alouette, longs thyrses mauves ou roses, toujours cassés par le plus faible vent ; et là-bas, sur le mur ensoleillé, l’exposition impressionniste des capucines !…

Ce jardin a une reine — la rose, dame splendide qui règne sur ce peuple de fleurs bonnes-femmes, de fleurs enfantines ; la rose, mille fois plus belle et plus parfaite que la coûteuse