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Page:Tinayre - Madeleine au miroir.djvu/26

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orchidée, la rose résistante, qui brave les gelées sous un manteau de paille et, presque sans soin, donne deux fois par an sa floraison.

Aux limites de son royaume, le potager commence ; et j’entrevois, de ma place, les bons gros choux, dont la feuille en cuir vert repoussé fait un si bel écrin à la rosée cristalline ; j’entrevois les artichauts, cousins pauvres de l’acanthe, chers aux sculpteurs des cathédrales, et les boules en filigrane violet que porte très haut la tige fine, roide et creuse de l’oignon monté.

Ma vieille amie avait raison. Ce jardin est vivant et parlant ; c’est une personne et c’est aussi une foule. Il entoure de mille petites âmes celle qui l’a créé et qui l’entretient. Grâce à lui, elle a gardé des muscles souples, une activité physique salutaire à sa vieillesse, une grande force de patience, et elle a gagné le plus précieux des biens : la paix.

Il n’aurait pas prospéré sous des mains nerveuses, trop avides ou trop négligentes. Le jardin impose au jardinier des gestes lents, réguliers, minutieux, une persévérance jamais