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Page:Tinayre - Madeleine au miroir.djvu/27

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découragée, une vie accordée au rythme des saisons. Autrefois, ma vieille amie, accablée et surmenée par un dur métier d’institutrice, courant chez l’un, chez l’autre, préoccupée de gagner l’argent nécessaire à son existence et à l’éducation des neveux qu’elle avait adoptés, n’avait pas le loisir de se connaître elle-même. Depuis qu’elle a passé la soixantaine et qu’elle s’est faite campagnarde, elle affirme qu’elle commence à vivre de la vie intérieure, la vie contemplative et pourtant active.

— Je vous assure, me dit-elle, que le pauvre jardin me donne des leçons, à moi qui en donnai naguère ! Des « leçons de choses » et surtout des leçons de philosophie. À force de voir les feuilles remplacer les feuilles, les insectes éclore et mourir, le fruit naître de la fleur, mûrir et tomber, les plantes et les bêtes accomplir leur tâche, j’ai éprouvé un sentiment inconnu, une sorte de fatalisme qui est plutôt une résignation courageuse, une acceptation volontaire des lois de la nature. Je souffre moins d’avoir changé, parmi l’universel changement ; le soleil qui se couche, l’été qui meurt, m’aident à décliner