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ET DE RÉVOLUTION

puissance occulte… Dans le salon de l’hôtel, après dîner, les familles grecques qui n’osent pas encore rentrer chez elles, deux ou trois Arméniens, un avocat juif de Salonique, répètent les anecdotes fausses ou vraies qui composent la légende du Sultan.

Que sera l’Abdul-Hamid dont les historiens fixeront un jour — avec des documents irréfutables et une tranquille impartialité — la figure définitive ? Névropathe sanguinaire ou politique de génie ? Peut-être l’un et l’autre, et à coup sûr un tyran. Mais ce tyran différera sans doute, par la constitution mentale et le caractère, du tyran grossièrement simplifié, du croquemitaine féroce qui demeurera, dans l’imagination populaire, le seul Abdul-Hamid véritable, — aussi fabuleux, aussi déformé, aussi lointain que Sardanaple ou Néron. Dans quelques dizaines d’années, les conteurs assis devant les petits cafés de Stamboul, sous les franges de glycines, dépeindront le calife maudit avec les mêmes traits qu’on lui prête déjà, et qui s’affirmeront par l’exagération poétique