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Page:Tinayre - Notes d une voyageuse en Turquie.djvu/117

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ET DE RÉVOLUTION

garçon. Elle le félicite, attendrie, et le regarde avec des yeux de grand’mère… Est-ce qu’elle va l’embrasser ? Elle lui demande s’il est content, et ce que l’on va faire du souverain déchu. Alors, le petit cadet redresse sa tête ronde, rasée, aux pommettes saillantes de Mongol, et sans cesser d’étreindre son fusil, il répond d’une voix rauque :

— Au tombeau… Il ira au tombeau…

La rue, banale et grise malgré le soleil, est devenue en quelques minutes un éblouissement de couleurs, une floraison de soies et d’étamines éclatantes. Les drapeaux ont semblé jaillir des balcons, drapeaux rouges portant le croissant et l’étoile, drapeaux verts, drapeaux hellènes à raies et à croix bleues sur fond blanc. Les impasses même et les passages qui vont à la rue des Petits-Champs, et qui sont tour à tour des fondrières ou des cloaques, se sont pavoisés aux couleurs turques et grecques. Les hôtels hissent des pavillons français, anglais, allemands, américains. Le canon ébranle les nerfs tendus par l’anxiété, fait tressaillir et