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CHOSES ET GENS DE PROVINCE

tambour les excite ; les voix les poussent, et la béatitude infinie descend sur leur visage, avec la sérénité des morts.

Et quand la valse sainte est terminée, quand ils recommencent leur procession, leur salut, leur hommage, le supérieur, qui n’a pas bougé, lève les bras vers le ciel. Il psalmodie une belle phrase religieuse qui ressemble à notre plain-chant, et tout à coup, il exhale une sorte de soupir, un « Ah ! » suraigu qui s’enfle, s’affaiblit, s’achève en murmure…

Cette invocation, ce long trait sonore a traversé le silence. Ainsi, l’étoile monte au zénith, file en courbe décroissante et tombe dans le vide du ciel… Les musiques se taisent. Aux vitres, verdies par le jardin, passent des vols sifflants d’hirondelles.

Les âmes détachées du corps matériel, entraînées dans la spirale vertigineuse, redescendent peu à peu. Et les derviches, pâles, éblouis et mal réveillés, reconnaissent les choses de la terre.