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Page:Tinayre - Notes d une voyageuse en Turquie.djvu/52

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JOURS DE BATAILLE

Galata était presque terne, grisâtre comme une foule occidentale, pointillée seulement par les ronds rouges et mobiles des fez, la foule devient bariolée, variée, bruyante… Le petit vendeur de journaux, pareil à un voyou napolitain, l’étalagiste ambulant qui offre des merceries communes, des peignes de corne et des bas rayés, l’employé en redingote, le gros pacha dans sa voiture, le derviche brun ou vert coiffé d’un bonnet de feutre, le Tcherkesse au nez camard, au bonnet d’astrakan, le Syrien aux yeux de fille, l’Arabe maigre et beau, dans le flottement des laines crémeuses, l’eunuque bouffi, les dames fluettes et furtives, petits fantômes noirs qui regardent tout et que nul ne doit regarder, c’est l’Europe et l’Asie qui se heurtent, sans jamais se confondre, entre les deux bouts de ce pont !

Il ne fait pas très chaud. Ce jour d’avril, sans ardeur, rappelle les jours de mai, en France ; le ciel est d’un bleu presque blanc, et le soleil allume des étincelles aveuglantes sur le bleu plus intense, mais embué et voilé, de