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ET DE RÉVOLUTION

bouchées par un citron d’or ; le tourneur de bâtons de chaises rit de toutes ses dents blanches, accroupi parmi la sciure et les copeaux, et le magasin du vendeur de nattes exhale l’odeur agreste des joncs. Dans l’ombre et le soleil, sous les treilles de vigne naissante, sous les glycines qui pavoisent les rues en travers, passent des marchands ambulants, des hamals chargés de bâts comme des ânes, des enfants presque nus, des négresses comiques, et parfois un bel adolescent, un vrai petit Aladin, qui a des cils trop longs sur des joues trop pures, qui est inquiétant, équivoque à force d’être beau, et que les hommes regardent, dans cette foule où ne fleurit jamais un visage de femme…

Et il y a aussi des hodjas dont la barbe, taillée en rond, raccourcit, élargit la figure, sous le turban. Ils marchent, vêtus de longs cafetans, égrenant des chapelets d’ambre. Ils sont dans les magasins, dans les cafés, dans tous les groupes où on lit des journaux… Et Moïse murmure :

— Voilà les criminels, les misérables !