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Page:Tinayre - Notes d une voyageuse en Turquie.djvu/90

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JOURS DE BATAILLE

sont pas de mode en Orient. Quatre mille hommes, jeunes, robustes, se sont entre-tués, hier, dans ces rues où passe une foule joyeuse et curieuse. S’ils étaient morts victimes d’une catastrophe, — incendie ou tremblement de terre, — il y aurait peut-être, dans la ville, une ombre de deuil. Mais qui songe aux morts ? Ils n’étaient pas frères par la race de ces Arméniens et de ces Grecs de Péra. Les volontaires d’origine hellénique, qui combattirent vaillamment, étaient venus de Macédoine et ne représentaient dans l’armée qu’une faible minorité. Il n’est pas surprenant que la population levantine n’éprouve pas, aujourd’hui, la tristesse qui suivrait, ailleurs, une guerre civile et l’horreur du sang fraternel versé. Elle est toute à la joie, et elle ne pense qu’à fêter ses libérateurs. Elle leur sait gré d’être venus sans être appelés, et si vite, avant qu’elle fût contrainte à la résignation, à l’acceptation passive de la vieille tyrannie renouvelée ; elle leur sait gré de n’avoir pas abusé de leurs privilèges de victorieux, d’avoir respecté les biens et les per-