Page:Tinayre - Notes d une voyageuse en Turquie.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
79
ET DE RÉVOLUTION

enchante le jardin, comme une promesse d’amour, comme un pressentiment de bonheur, et tout dit la douceur de vivre : les premières pervenches qui ouvrent leurs yeux bleus dans le sombre feuillage rampant, les premiers boutons des rosiers qui demain seront lourds de roses ; et, à travers le filigrane des rameaux, le Bosphore bleu, les collines d’Asie, vertes et violacées, la molle écume lumineuse des nuages…

Et, tout ocreuse, dans le soleil, ses fenêtres crevées encadrant des morceaux d’azur, voici la grande caserne vide qu’entourent les promeneurs. Les obus ont ravagé les murs et les plafonds, et des soldats, grimpés au second étage, achèvent de desceller de grosses pierres branlantes qui cèdent tout d’un coup, et tombent, avec un bruit sourd, dans un tourbillon de poussière soulevée.

Soldats bleus ou gris, marchands de noisettes grillées, pauvresses en tcharchaf d’étamine écrue, dames grecques en fourreaux Empire, petites filles en mousseline, servantes qui