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Page:Tinayre - Une provinciale en 1830.pdf/18

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NOTE DE L’AUTEUR


Au plus lointain de mes souvenirs, je revois une chambre toute grise de la cendre du soir, où mes yeux de très petite fille ne distinguent plus rien qu’une blancheur de fenêtre. Des rideaux transparents, qui retiennent encore un peu de jour dans leur trame, se croisent sur la profonde embrasure. Entre la fenêtre et les rideaux, devant une table à ouvrage, une vieille dame est assise, qui tient, dans ses mains croisées sur ses genoux, un chapelet de buis.

Sa taille, haute et mince, est cachée par une pèlerine bordée de ruches. Elle a, sous un bonnet de dentelle noire doublé de mousseline, des cheveux argentés bouclés en deux grosses coques sur les tempes. Son profil est fin, ses paupières baissées, sa bouche close. Dort-elle ? Rêve-t-elle ? Je n’ose bouger. Elle me semble si peu réelle, presque un fantôme, dans cette ombre et cette pâleur crépusculaire, mon arrière-grand’mère Zémia.

Je l’appelle « Yaya ». Je sais qu’elle est la maman de ma grand’mère Lucile. Quelquefois, je joue avec son chapelet. Il y a, dans sa chambre, des chaises dont le dossier sculpté représente une fable de La Fontaine : le Loup et l’Agneau, le Renard et la Cigogne.