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de son grand manteau de brigand. Il allait loin dans les environs, voir des malades en péril, et il avait des pistolets dans ses fontes, les routes, de nuit, n’étant pas sûres.

Une secrète inquiétude agitait le beau Zerbin, malgré lui, lorsqu’il apercevait la maison où la terrible sœur devait ruminer les restes de sa colère matinale. Mais le calme était revenu. Mme du Fargeas, haute, maigre, vêtue éternellement de levantine puce à corsage plat, à collerette tuyautée, ses cheveux noirs bouclés en grappes sur ses tempes et demi-cachés par un bonnet de dentelle à longues barbes, raccommodait paisiblement du linge auprès de la fenêtre du salon. Son œil bleu, aussi bleu mais beaucoup moins doux que les yeux de Zerbin — surveillait la rue, par un coin du rideau soulevé.

Zerbin entrait, d’un air faussement joyeux :

« Eh bien, ma sœur… »

Elle lui coupait la parole :

« Te voilà ? »

Et elle criait en patois à la servante qu’il était temps de servir la soupe.

Lucile du Fargeas ne parlait jamais qu’en patois aux paysans et aux serviteurs ; d’abord, parce qu’ils ne comprenaient pas d’autre langage, et aussi, disait-elle, « parce que le français n’est pas fait pour ces gens-là ».

Et Zerbin trouvait son couvert mis comme de coutume. Seulement, la soirée ne se passait