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Page:Tinayre - Une provinciale en 1830.pdf/26

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pas sans que Mme du Fargeas n’ouvrît un gros registre de comptes où elle inscrivait, de sa haute écriture bâtarde bien moulée et bien lisible, quelque chose comme ceci :

« Ajouter aux dix-sept mille cinq cent vingt-deux livres prêtées à Zerbin du Fonard, mon frère, le 8 de may dernier : cy, deux cent trente-sept livres que je luy ai remises ce jour d’huy… pour payer Labatut, tailleur, rue Monte-en-Manique, à Limoges… »

Car cette femme pratiquait l’ordre et la prévoyance. Elle savait que l’argent prêté à Zerbin pouvait être de l’argent perdu. Cela ne l’empêchait pas d’ouvrir sa bourse, mais elle voulait le perdre, cet argent, en observant toutes les formes et règles, et en ménageant — peut-être ! — un vague espoir de retour.

En 1812, Mme du Fargeas, qui se croyait stérile, ayant dépassé trente-cinq ans, eut la joie de devenir grosse, après un pèlerinage qu’elle fit, avec son époux, à Rocamadour. La petite fille qui vint au monde, un jour de mai 1813, reçut les prénoms de Lucile-Zerbine-Marie-Amadore, — ce dernier en l’honneur de Saint-Amadour, — mais on l’appela couramment Zénaïde. L’usage permettait alors les plus singulières fantaisies en fait de noms. Ainsi, Lucile du Fargeas était, pour l’état-civil, Marie-Catherine, et Zerbin s’y dénommait Léon. Zénaïde paraissait, aux du Fargeas, un nom tout à fait distingué et d’une nou-