Page:Tinchant - Les Fautes, Sérénités, 1888.djvu/3

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
LES FAUTES




ABANDON
À Willette.


I


Ils vivaient ensemble depuis sept ans. Il avait mis à la conquérir une âpre patience, une docilité servile aux caprices de cette femme qui se savait adorée. Vingt fois, elle lui avait défendu sa porte. Et quand, par vanité ou par désespoir, il ne voulait plus revenir, elle allait, affolée, le chercher jusque chez des rivales. Par une prédestination étrange, elle ne pouvait se passer de lui, quoiqu’il lui déplût profondément. Un jour vint où, envahie par cette passion qui s’infiltrait lentement en son cœur, elle se donna toute pour la vie.

Alors il se souvint de ce qu’il avait enduré pour la faire sienne. Avec une rancune inconsciente, il prit plaisir à la torturer à son tour, exaspérant ses jalousies, la chassant pour la rappeler aussitôt, cruel implacablement pour la très aimée qui l’avait tant fait souffrir.


II


Elle était plus âgée que lui, et les mauvais jours de cette intimité mal assortie la vieillissaient très vite. Si fort qu’il l’eût chérie, il s’aperçut qu’il ne la désirait plus aussi ardemment. Sans jamais avoir passé pour jolie, elle possédait, jeune, un charme très parisien et une candeur dans le vice exquise. Sentant qu’il se détachait d’elle, effrayée de l’abîme creusé entre leurs âmes, elle s’acharnait, navrée, à ressaisir