Page:Tinchant - Les Fautes, Sérénités, 1888.djvu/4

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ce bonheur qui s’en allait. Parfois, c’étaient des heures très douces où elle croyait l’avoir bien repris, où, savante aux caresses innommables, elle le tenait par la sensualité. D’une parole tendre, il l’eût jetée à ses genoux. Car, il était devenu la seule affection, l’inoubliable de ce cœur de fille énamourée.


III


Or, comme un ciel plus bleu enluminait leur idylle, en pleine floraison de printemps, pour un mot dit en l’air, ils se serrèrent la main et se dirent adieu. C’était au coin d’une rue, dans la mélancolie d’un clair crépuscule de mai. Simultanément, au milieu d’une causerie, ils se remémorèrent les chagrins vécus l’un par l’autre. Du froissement de ces souvenirs âcres, une grande amertume leur était montée aux lèvres, déflorant leurs baisers ; et d’un accord muet, ils se résolurent à en finir avec ces jouissances atroces qui les retenaient depuis si longtemps dans la même alcôve.


IV


Il ne l’a jamais revue. Quelquefois il songe au pauvre cher amour qui faisait si délicieusement du mal, mais sans deuil, et sans regrets. À peine remarque-t-il qu’elle n’est plus auprès de lui. Mais un malaise inconnu énerve sa jeunesse et névrose ses rêves. Car, en la quittant, elle a emporté de lui le meilleur de son cœur, et vaguement, il sent qu’il lui manque je ne sais quoi pour marcher d’un pas ferme dans la vie. Un ressort s’est brisé en son être et, déséquilibré, il regarde, sceptique, la sarabande banale des foules, souriant quelquefois à cette consolation subtile que cette femme qu’il a imprégnée de lui à jamais n’aimera que lui dans les bras des autres.