Aller au contenu

Page:Tite Live - Histoire romaine (volume 1), traduction Nisard, 1864.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pasteurs assemblés en tumulte autour de cet étranger, que leurs cris désignaient comme un meurtrier, il apprend en même temps et le crime et la cause qui l’a fait commettre. Puis, frappé de l’air auguste du héros, et de la majesté de sa taille, si supérieure à celle des hommes, il lui demande qui il est. À peine a-t-il appris son nom, celui de son père et de sa patrie : « Fils de Jupiter, Hercule, s’écrie-t-il, je te salue ; ma mère, fidèle interprète des dieux, m’a prédit que tu devais augmenter le nombre des habitants de l’Olympe, et qu’en ces lieux s’élèverait en ton honneur un autel destiné à recevoir un jour de la plus puissante nation du monde le nom de Très-Grand, et dont tu réglerais toi-même culte. » Hercule, lui tendant la main, répond qu’il accepte le présage, et que, pour accomplir les destinées, il va dresser un autel et le consacrer. Il choisit alors la plus belle génisse de son troupeau, et le premier sacrifice est offert à Hercule. Les Potitiens et les Pinariens, les deux familles les plus considérables du canton, choisis pour ministres du sacrifice, prennent place au banquet sacré. Le hasard fit que les Potitiens seuls assistèrent au commencement du festin, et qu’on leur servit la chair de la victime : elle était consommée à l’arrivée des Pinariens, qui prirent part au reste du banquet : c’est l’origine de l’usage, perpétué jusqu’à l’extinction de la famille Pinaria, qui lui interdisait les prémices des victimes. Les Potitii, instruits par Évandre, restèrent pendant plusieurs siècles les ministres de ce culte, jusqu’au moment où, ayant abandonné à des esclaves ces fonctions héréditaires dans leur famille, ils périrent tous en expiation de leur sacrilège. De tous les cultes institués alors par Romulus, ce fut le seul qu’il emprunta aux étrangers : il applaudissait dès lors à cette apothéose du courage, dont les destins lui préparaient l’honneur.

VIII. Les cérémonies religieuses régulièrement établies, il réunit en assemblée générale cette multitude dont la force des lois pouvait seule faire un corps de nation, et lui dicta les siennes : et persuadé que le plus sûr moyen de leur imprimer un caractère sacré aux yeux de ces hommes grossiers, c’était de se grandir lui-même par les marques extérieures du commandement, entre autres signes distinctifs qui relevaient sa dignité, il affecta de s’entourer de douze licteurs. On pense qu’il régla ce nombre sur celui des douze vautours qui lui avaient présagé l’empire ; mais je partage volontiers le sentiment de ceux qui, retrouvant chez les Étrusques, nos voisins, l’idée première des appariteurs et de cette espèce d’officiers publics, comme celle des chaises curules et de la robe prétexte, pensent que c’est dans leurs coutumes qu’il faut rechercher aussi l’origine de ce nombre. Ils l’avaient adopté parce que les douze peuples qui concouraient à l’élection de leur souverain fournissaient chacun un licteur à son cortège. Cependant la ville s’agrandissait, et son enceinte s’élargissait chaque jour, mesurée plutôt sur ses espérances de population future que sur les besoins de sa population actuelle. Mais pour donner quelque réalité à cette grandeur, Romulus, fidèle à cette vieille politique des fondateurs de villes qui publiaient que la terre leur avait enfanté des habitants, ouvre un asile dans