Aller au contenu

Page:Tite Live - Histoire romaine (volume 1), traduction Nisard, 1864.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un roi, et qu’il consacre le temple dont sa pensée vient de mesurer l’enceinte. Là seront déposées les dépouilles opimes que mes descendants, vainqueurs à mon exemple, arracheront avec la vie aux rois et aux chefs ennemis. » Telle est l’origine de ce temple, le premier dont Rome ait vu la consécration. Dans la suite, les dieux ont voulu ratifier la prédiction des fondateurs du temple, en appelant ses descendants à l’imiter, sans permettre toutefois qu’elle s’étendît trop, de peur de s’avilir. Dans un si grand nombre d’années remplies par tant de guerres, on ne remporta que deux fois les dépouilles opimes, tant la fortune fut avare de cet honneur.

XI. Tandis que les Romains sont à ces solennités religieuses, les Antemnates saisissent l’occasion, et envahissent leurs frontières abandonnées. Une légion romaine s’y porte aussitôt, et surprend l’ennemi dispersé dans la campagne. À la première attaque, au premier cri de guerre, les Antemnates sont mis en fuite, leur ville prise. Alors Hersilie, femme de Romulus, obsédée par les supplications de ses compagnes enlevées, profite de l’enivrement d’une double victoire pour supplier le vainqueur de faire grâce à leurs parents et de les recevoir dans la ville naissante : c’est le moyen, suivant elle, d’en accroître la puissance par la concorde. Elle l’obtient sans peine. Il marche ensuite contre les Crustuminiens qui venaient l’attaquer ; mais ceux-ci, déjà découragés par les revers de leurs alliés, font encore moins de résistance. On envoya des colonies chez les uns et chez les autres. Il se présenta plus de monde pour Crustuminum, à cause de la fertilité du pays ; tandis que de fréquentes émigrations, de la part surtout des familles appartenant aux femmes enlevées, venaient de ces lieux mêmes grossir la population romaine. La dernière guerre fut celle des Sabins ; ce fut aussi la plus sérieuse : car ce peuple agit sans précipitation ni colère ; ses menaces ne précédèrent point l’agression ; mais sa prudence ne rejeta point les conseils de la ruse. Spurius Tarpéius commandait dans la citadelle de Rome. Sa fille, gagnée par l’or de Tatius, promet de livrer la citadelle aux Sabins. Elle en était sortie par hasard, allant puiser de l’eau pour les sacrifices. À peine introduits, les Sabins l’écrasent sous leurs armes, et la tuent, soit pour faire croire que la force seule les avait rendus maîtres de ce poste, soit pour prouver que nul n’est tenu à la fidélité envers un traître. On ajoute que les Sabins, qui portaient au bras gauche des bracelets d’or d’un poids considérable et des anneaux enrichis de pierres précieuses, étaient convenus de donner, pour prix de la trahison, les objets qu’ils avaient à la main gauche. De là, ces boucliers qui, au lieu d’anneaux d’or, payèrent la jeune fille, et qui l’ensevelirent sous leur masse. Selon d’autres, en demandant aux Sabins les ornements de leurs mains gauches, Tarpéia entendait effectivement parler de leurs armes ; mais les Sabins, soupçonnant un piège, l’écrasèrent sous le prix même de sa trahison.

XII. Quoi qu’il en soit, ils étaient maîtres de la citadelle. Le lendemain, l’armée romaine, rangée en bataille, couvrait de ses lignes l’espace compris entre le mont Palatin et le mont Capitolin. Les Sabins n’étaient point encore descendus à