Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/104

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geoise et démocratique dont l’histoire du monde ne présentait point encore de complet modèle.

Au milieu de cette teinte générale, s’apercevaient cependant de très fortes nuances qu’il est nécessaire de montrer.

On peut distinguer dans la grande famille anglo-américaine deux rejetons principaux qui, jusqu’à présent, ont grandi sans se confondre entièrement, l’un au sud, l’autre au nord.

La Virginie reçut la première colonie anglaise. Les émigrants y arrivèrent en 1607. L’Europe, à cette époque, était encore singulièrement préoccupée de l’idée que les mines d’or et d’argent font la richesse des peuples : idée funeste qui a plus appauvri les nations européennes qui s’y sont livrées, et détruit plus d’hommes en Amérique, que la guerre et toutes les mauvaises lois ensemble. Ce furent donc des chercheurs d’or que l’on envoya en Virginie[1], gens sans ressources et sans conduite, dont l’esprit inquiet et turbulent troubla l’enfance de la colonie[2], et en rendit les progrès incertains. Ensuite arrivèrent les industriels et les cultivateurs,

  1. La charte accordée par la couronne d’Angleterre, en 1609, portait entre autres clauses que les colons payeraient à la couronne le cinquième du produit des mines d’or et d’argent. Voyez Vie de Washington, por Marshall, vol. I, p. 18-66.
  2. Une grande partie des nouveaux colons, dit Stith (History of Virginia), étaient des jeunes gens de famille déréglés, et que leurs parents avaient embarqués pour les soustraire à un sort ignominieux ; d’anciens domestiques, des banqueroutiers frauduleux, des débauchés et d’autres gens de cette espèce, plus propres à piller et à détruire qu’à consolider l’établissement, formaient le reste. Des chefs séditieux entrainèrent aisé-