Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/23

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« L’Union est un accident qui ne durera qu’autant que les circonstances le favoriseront. Mais la république me semble l’état naturel des Américains ; et il n’y a que l’action continue de causes contraires et agissant toujours dans le même sens, qui pût lui substituer la monarchie[1]. »

Ainsi Tocqueville avait prévu précisément la lutte formidable dont nous sommes les témoins. Ah ! sans doute, tout en l’apercevant dans l’avenir telle qu’elle éclate sous nos yeux, il avait pu n’en pas prévoir tous les détails. Peut-être, en la jugeant terrible et sanglante, il ne pensait pas qu’elle dût être si longue et si cruelle. Peut-être n’avait-il pas soupçonné parmi quels gouvernements de l’Europe la liberté américaine trouverait des haines, et l’esclavage des sympathies. Mais la crise elle-même, à laquelle nous assistons, il l’avait prévue ; et ces immenses événements, inattendus pour le plus grand nombre, en présence desquels un livre de circonstance serait rentré dans le néant, viennent encore ajouter à l’autorité et à l’éclat d’un ouvrage écrit en vue de l’avenir, et dont l’avenir a si singulièrement justifié les prévisions.

On sait que le livre de la Démocratie en Amérique est divisé en deux parties : la première, où l’auteur décrit l’empire de la démocratie sur les institutions politiques des Américains ; la seconde, où il montre l’influence de la démocratie sur leurs mœurs. La première

  1. T. II, ch. x, p. 399. Des institutions républicaines aux États-Unis. Quelles sont leurs chances de durée.