Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/35

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notre première impression, vivement exprimée ailleurs[1], avait été de ne rien publier de plus de ces fragments. Il était évident pour nous que, quelque saillants qu’ils fussent, ces morceaux n’étaient point achevés. Le papier qui leur sert d’enveloppe porte écrits de la main même de Tocqueville, ces mots : Mon texte ébauché. Il nous semblait que nous ne pouvions publier de pareils fragments sans méconnaître la plus constante de ses traditions, et sans manquer en quelque sorte à la mémoire d’un écrivain qui poussait le respect pour le public jusqu’à ne vouloir lui livrer aucune œuvre qui n’eût atteint le degré de perfection dont elle était susceptible. Cependant, nous devons le reconnaître, partout, à l’étranger comme en France, notre réserve a été jugée excessive et nos scrupules exagérés. « Dût-on ne trouver dans ces fragments que la moitié de la pensée de Tocqueville, pourquoi, nous a-t-on dit, en priver le public ? et quand ce ne seraient que des ébauches, n’auraient-elles pas encore leur prix, comme les esquisses trouvées dans l’atelier d’un grand peintre ? » La critique ne s’est pas bornée à l’expression de ces regrets ; elle a pris la forme même des reproches les plus vifs et des blâmes les plus amers. Il nous en coûte peu de nous avouer vaincus. Nous tenons seulement à répéter encore une fois que ces chapitres nouveaux, faisant suite à l’Ancien Régime et la

  1. V. Notice sur Alexis de Tocqueville, t. V.