Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/40

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« Arrivant à sa politique extérieure et à ses conquêtes, je chercherais à peindre cette course furieuse de sa fortune à travers les peuples et les royaumes ; je voudrais dire en quoi ici encore l’étrange grandeur de son génie guerrier a été aidée par la grandeur étrange et désordonnée du temps. Quel tableau extraordinaire, si on savait peindre, de la puissance et de la faiblesse humaines, que celui de ce génie impatient et mobile faisant et défaisant sans cesse lui-même ses œuvres, arrachant et replaçant sans cesse lui-même les bornes des empires, et désespérant les nations et les princes, moins encore par ce qu’il leur faisait souffrir que par l’incertitude éternelle où il les laissait sur ce qui leur restait à craindre !

« Je voudrais enfin faire comprendre par quelle suite d’excès et d’erreurs il s’est de lui-même précipité vers sa chute ; et malgré ces erreurs et ces excès faire bien suivre la trace immense qu’il a laissée derrière lui dans le monde, non-seulement comme souvenir, mais comme influence et action durable : ce qui est mort avec lui, ce qui demeure.

« Et pour terminer cette longue peinture, montrer ce que signifie l’Empire dans la révolution française ; la place que doit occuper cet acte singulier dans cette étrange pièce dont le dénoûment nous échappe encore.

« Voilà de grands objets que j’entrevois : mais comment m’en saisir ?… »