Mon travail était d’ailleurs tracé par mon mandat.
Au moment de faire paraître cette édition, madame de Tocqueville pensant que la réunion et la publication de toutes les œuvres de son mari était le plus beau monument qui pût être élevé à sa mémoire, m’a chargé de rechercher parmi ses manuscrits inédits ceux qu’il pouvait convenir de livrer à la publicité. Il y avait là un choix et un classement à faire. À cela s’est bornée ma tâche.
Témoignage d’une confiance dont je serai toujours heureux et fier, ce mandat m’a imposé un travail, non exempt de quelques difficultés, mais qui, je l’avoue, a été pour moi plein de charme. Sans doute au milieu de mes recherches parmi ces manuscrits remis entre mes mains, à la vue de cette écriture amie, de ces dates marquées de tant de souvenirs, j’étais saisi d’une grande tristesse en songeant que celui dont la main avait tracé ces lignes n’était plus. Mais un autre sentiment venait aussitôt relever mon courage. Je me disais que si Tocqueville n’existait plus, sa pensée vivait toujours. Cette pensée, je la voyais sous mes yeux toujours aussi vive, aussi lucide, aussi profonde. Cette pensée, elle, est immortelle. C’est cette pensée que je recherchais avec bonheur, et que je m’appliquais à retrouver pour la transmettre, ou plutôt pour la rendre à l’humanité qui l’a inspirée et à laquelle elle appartient.
Je ne sais si je m’abuse, mais je crois fermement que