Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/303

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civilisation vient à s’interrompre, on ne la reprendra plus ; ils craignent que les habitudes sédentaires, à peine contractées, ne se perdent sans retour au milieu de pays encore sauvages, et où rien n’est préparé pour la subsistance d’un peuple cultivateur ; ils savent qu’ils trouveront dans ces nouveaux déserts les hordes ennemies, et pour leur résister ils n’ont plus l’énergie de la barbarie, sans avoir encore acquis les forces de la civilisation. Les Indiens découvrent d’ailleurs sans peine tout ce qu’il y a de provisoire dans l’établissement qu’on leur propose. Qui leur assurera qu’ils pourront enfin reposer en paix dans leur nouvel asile ? Les États-Unis s’engagent à les y maintenir ; mais le territoire qu’ils occupent maintenant leur avait été garanti jadis par les serments les plus solennels[1]. Aujourd’hui le gouvernement américain ne leur ôte pas, il est vrai, leurs terres, mais il les laisse envahir. Dans peu d’années, sans doute, la même population blanche qui se presse maintenant autour d’eux sera de nouveau sur leurs pas dans les solitudes d’Arkansas ; ils retrouveront alors les mêmes maux sans les mêmes remèdes ; et la terre venant

  1. On trouve, dans le traité fait avec les Creeks en 1790, cette clause : « Les États-Unis garantissent solennellement à la nation des Creeks toutes les terres qu’elle possède dans le territoire de l’Union. »

    Le traité conclu en juillet 1791 avec les Chérokées contient ce qui suit : « Les États-Unis garantissent solennellement à la nation des Chérokées toutes les terres qu’elle n’a point précédemment cédées. S’il arrivait qu’un citoyen des États-Unis, ou tout autre qu’un Indien, vînt s’établir sur le territoire des Chérokées, les États-Unis déclarent qu’ils retirent à ce citoyen leur protection, et qu’ils le livrent à la nation des Chérokées pour le punir comme bon lui semblera. » Art. 8.