Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/304

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tôt ou tard à leur manquer, il leur faudra toujours se résigner à mourir.

Il y a moins de cupidité et de violence dans la manière d’agir de l’Union envers les Indiens que dans la politique suivie par les États ; mais les deux gouvernements manquent également de bonne foi.

Les États, en étendant ce qu’ils appellent le bienfait de leurs lois sur les Indiens, comptent que ces derniers aimeront mieux s’éloigner que de s’y soumettre ; et le gouvernement central, en promettant à ces infortunés un asile permanent dans l’Ouest, n’ignore pas qu’il ne peut le leur garantir[1].

Ainsi, les États, par leur tyrannie, forcent les sauvages à fuir ; l’Union, par ses promesses et à l’aide de ses ressources, rend cette fuite aisée. Ce sont des mesures différentes qui tendent au même but[2].

  1. Ce qui ne l’empêche pas de le leur promettre de la manière la plus formelle. Voyez la lettre du président adressée aux Creeks le 23 mars 1829 (Proceedings of the Indian Board in the city of New York, p. 5) : « Au-delà du grand fleuve (le Mississipi), votre Père, dit-il, a préparé, pour vous y recevoir, un vaste pays. Là, vos frères les blancs ne viendront pas vous troubler ; ils n’auront aucuns droits sur vos terres ; vous pourrez y vivre vous et vos enfants, au milieu de la paix et de l’abondance, aussi longtemps que l’herbe croîtra et que les ruisseaux couleront ; elles vous appartiendront à toujours. »

    Dans une lettre écrite aux Chérokées par le secrétaire du département de la Guerre, le 18 avril 1829, ce fonctionnaire leur déclare qu’ils ne doivent pas se flatter de conserver la jouissance du territoire qu’ils occupent en ce moment, mais il leur donne cette même assurance positive pour le temps où ils seront de l’autre côté du Mississipi (même ouvrage, p. 6) : comme si le pouvoir qui lui manque maintenant ne devait pas lui manquer de même alors !

  2. Pour se faire une idée exacte de la politique suivie par les États parti-